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« Autrement dit, pour lutter contre un virus, il faut confiner la population… mais surtout pas les données scientifiques »

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Le supplément M du Monde publie un portrait en lien avec l’actualité du Coronavirus (COVID-19), qui jette une lumière crue sur l’état de l’ouverture des publications scientifiques et, plus encore, sur l’état du partage ou de l’ouverture des données de la recherche.

Les citations issues de l’interview :

« Mon expérience de l’accès aux livres fut saisissante : quasiment rien à l’université d’Avignon, ­pendant mes premières années de fac (elle a beaucoup changé depuis), puis la splendide, opulente bibliothèque Lavisse de la Sorbonne, réservée aux agrégatifs, où tout était en accès libre. » L’avènement du Web, à l’époque, fait briller ses yeux. « On sentait un potentiel magnifique, humaniste, de transformation radicale des conditions d’accès au savoir. »

Sur les données de la recherche : « C’est cette boîte noire qu’il faut ouvrir maintenant. Et ce, dans toutes les disciplines, sauf lorsque le secret (défense ou médical) est en jeu. Mais cela implique un changement de nature des informations fournies par les chercheurs. » Le but : permettre à qui le souhaite de les exploiter. « On peut envisager d’agréger des données venant de différentes sources, de détecter des erreurs d’interprétation sur des mesures anciennes et surtout de trouver des choses qu’on ne cherchait pas », pointe Marin Dacos.

L’article se termine sur cette excellente conclusion de la journaliste : « Autrement dit, pour lutter contre un virus, il faut confiner la population… mais surtout pas les données scientifiques.« 

Il y a quelques raccourcis dans l’article, en raison des contraintes de l’exercice. Je ne critique pas l’excellent travail journalistique réalisé. J’apporte néanmoins ici quelques compléments et précisions.

Modèle économique de l’accès ouvert : pas que des frais de publications

Toutes les revues en accès ouvert ne font pas payer les auteurs, puisque 3/4 des revues du Directory of open access journals (DOAJ) ne demandent pas de frais de publication. Grosso modo, elles représentent 46% des articles publiés par les revues du DOAJ.

La science est un tout : tout doit être ouvert, pas seulement le COVID-19, et ceci même pour étudier le seul COVID-19

« d’autres articles en virologie pourraient s’avérer utiles » : en fait, d’autres articles, dans toutes les disciplines de biosanté, et largement au-delà. C’est ce qu’on peut lire dans l’excellent billet de Vincent Larivière, Fei Shu et Cassidy R. Sugimoto : The Coronavirus (COVID-19) outbreak highlights serious deficiencies in scholarly communication Dans ce texte, les auteurs étudient 13 000 articles sur le COVID-19 et identifient 200 000 références bibliographiques qui sont la connaissance sous-jacente à cette production. Et devinez quoi ? Les références ne concernent pas que le COVID lui-même (moins d’un tiers des références concernent le Corona), ni même la virologie (autour de 20%). Tout y passe : pharmacologie, neurologie, pédiatrie, gériatrie, chemie, hématologie, ainsi que d’autres spécialités.

Figure 1. Percentage of references cited by the coronavirus papers, by speciality of the cited journals. NSF field and subfield classification 1988-2018.
Figure 1. Percentage of references cited by the coronavirus papers, by speciality of the cited journals. NSF field and subfield classification 1988-2018.

Et bien sûr les SHS sont aussi importantes pour comprendre une épidémie que les STM (sciences, techniques, médecine).

« Les coûts de production se sont effondrés ­tandis que ceux des abonnements s’envolent »

On pourrait penser qu’en abandonnant les contraintes du papier, de sa fabrication, de l’impression et de l’expédition, on aurait fait chuter les coûts de production éditoriale. Il n’en est en fait rien, car les plateformes numériques coûtent cher, sont de plus en plus sophistiquées, et doivent répondre à des sollicitations élevées (la science ouverte a fait exploser les usages de lecture !). Et par ailleurs, les coûts de production éditoriale n’ont pas bougé : le travail fin sur le texte, le travail avec les experts, les comités, etc., mobilisent des professionnels qui ont de hautes compétences et qui n’ont pas disparu avec le numérique. La meilleure étude à ce sujet en France est celle publiée par Odile Contat et Anne-Solweig Gremillet : Publier : à quel prix ? Étude sur la structuration des coûts de publication pour les revues françaises en SHS Disclaimer : j’ai activement participé à ces travaux. Il y a d’autres études sur le même sujet, qui confirment cette idée : les coûts de production éditoriale ne se sont pas effondrés.

Encore merci au Monde et à la journaliste scientifique Cécile Bonneau.

Pour connaître mes autres publications, j’essaie de tenir une liste à jour sur mon site personnel.


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